Les syndicats US contre la guerre

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Immédiatement après les événements du 11 septembre, de nombreux syndicalistes et leaders syndicaux se sont déclarés en faveur de la guerre contre le terrorisme, et le soutien syndical à cette politique est resté assez important lors de l'intervention rapide des forces américaines en Afghanistan.

Mais ce consensus face à l'augmentation des interventions militaires a commencé de s'effriter. Ces derniers mois, un nombre croissant de fédérations syndicales d'États, de conseils exécutifs, de syndicats locaux, de groupes "ad hoc" de travailleurs contre la guerre et d' autres groupes de travailleurs encore se sont opposés aux projets de nouvelle guerre en Irak.

Le 7 octobre, le président de l'AFL-CIO, John Sweeney, a envoyé au Congrès une lettre mitigée au sujet de l'Irak. Par exemple, Sweeney y déclare : "Bien sûr, les États-Unis ont le droit d'agir unilatéralement si cela est nécessaire à la protection de nos intérêts nationaux. Mais l'AFL-CIO est intimement persuadée que nos intérêts seraient mieux protégés par une action multilatérale." Par ailleurs, il insiste sur la nécessité de ne pas se précipiter dans la guerre : "Nous devons assurer les filles et les fils des familles de travailleurs américains que la guerre est la dernière option et non la première en vue de résoudre ce conflit avant de leur demander de s' exposer pour nous protéger", déclare Sweeney. Il remet également en question le calendrier prévu par Bush : "Il semble à de nombreux membres de notre syndicat que cette urgence soudaine à décider de la guerre ou de la paix, urgence qui n'existait pas il y a un mois, a autant à voir avec le calendrier politique qu' avec la situation en Irak. C'est du reste en contradiction apparente avec le fait qu'il n'existe aucune urgence équivalente pour trouver une solution à la crise économique qui fait directement souffrir tant de nos compatriotes."

Le véritable intérêt des travailleurs

Le 4 octobre, le conseil exécutif du syndicat local 1199/SEIU, regroupant des travailleurs des services sociaux et humanitaires de New York, a été beaucoup plus direct : "Les familles des travailleurs américains ont tout intérêt à prévenir une autre guerre."

Ce syndicat représente environ 220 000 travailleurs des services de la santé. Il exhorte les travailleurs à contacter le Congrès et à organiser des manifestations contre la guerre.

Il se réfère à sa tradition d'opposition à la guerre : "Notre syndicat a été un des tout premiers à s'opposer à la guerre au Vietnam ; notre voix, solitaire au début, est finalement devenue celle de la majorité, au fur et à mesure que le carnage augmentait. Aujourd'hui, nous avons la possibilité de prévenir une catastrophe avant qu'elle ne commence."

La déclaration du syndicat fait ressortir le contraste entre la détérioration des conditions économiques et la bonne santé retrouvée du budget militaire. Elle fait ressortir le fait qu'un nombre sans cesse croissant de citoyens américains ne bénéficient pas d' assurance-santé (environ 41 millions) alors que le gouvernement de G.W. Bush augmentait les dépenses militaires de 45 milliards de dollars en 2002.

Une telle augmentation des dépenses militaires, en plus des diminutions d'impôts pour les plus fortunés, s'est traduite par un assèchement des fonds "en faveur des créations d'emplois, de la santé publique, de l'enseignement public et autres besoins humains essentiels". La déclaration va au-delà des problèmes internes aux États-Unis pour critiquer la nouvelle politique de "guerre préventive" du gouvernement Bush en déclarant que "cette politique précipiterait le monde dans l' anarchie internationale".

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Cette prise de position était suivie par une page entière de publicité dans le "New York Times" du 10 octobre, signée par le président du Syndicat 1199, Dennis Rivera.

Le Conseil de la Fédération des professeurs de l'État de Californie a présenté le 21 septembre une résolution du même ton que celle du Syndicat 1199 : le CFT, qui représente 100 000 professeurs, a déclaré s'opposer totalement à la guerre et a exhorté ses membres à "participer activement à l'organisation de la lutte contre la marche du gouvernement Bush vers la guerre".

La résolution notait par ailleurs qu'une guerre "renforcerait encore davantage un gouvernement qui avait réduit les libertés civiles de ses citoyens".

Parmi les autres syndicats qui se sont mobilisés contre la guerre ces deux derniers mois, citons le Conseil du Travail de l'État de Washington, le Syndicat des Travailleurs de l'Électricité, les Charpentiers du New Mexico, le SEIU du Wisconsin, "Pride at Work", et de nombreux Conseils Centraux du Travail de la côte ouest et de l'État de New York.

Des docks à l'Irak

De nombreuses résolutions syndicales contre la guerre ont fait le lien entre la politique extérieure de Bush contre l'Irak et ses actions contre les syndicats à l'intérieur du pays.

La résolution du 10 septembre, présentée par le syndicat local n° 10 des dockers (ILWU), déclare que le président Bush se sert des problèmes de sécurité nationale pour d'une part miner l'action des syndicats dans les négociations de conventions collectives, et d'autre part essayer de "les engager dans son effort de guerre en faveur des grandes compagnies pétrolières".

Le Conseil central des travailleurs d'Albany suivait la même ligne en affirmant : "la volonté belliqueuse du gouvernement Bush est fortement motivée par la politique intérieure, qui menace le ILWU et ouvre ainsi une brèche dans le mouvement syndical tout entier".

Dans la zone de Detroit, le syndicat local des travailleurs de la poste a produit un éditorial anti-guerre sur le thème "Pas de sang pour du pétrole" : "Cette guerre a directement à voir avec les intérêts des pétroliers et avec le pétrole".

Nombreuses sont les sources d'information qui montrent que le nouveau pouvoir que Bush prévoit pour l'Irak transférera les énormes ressources pétrolières de ce pays aux compagnies pétrolières américaines. C'est cela et une volonté de domination politique de la région qui sont les vrais motifs de la "guerre de Bush".

"Dites-moi un peu, c'était quand la dernière fois que les compagnies pétrolières vous ont fait un cadeau ? Est-ce que ce ne sont pas ces mêmes compagnies qui ont multiplié par deux les prix de l'essence à la pompe après le 11 septembre ? Est-ce que vos frères, vos sours, vos enfants, vos compagnons de travail, devraient aller se faire tuer pour augmenter leurs bénéfices ?"